Adaptation ? Adaptabilité !
Récit
Dans un monde traversé par des bouleversements rapides et multiples, la question n’est plus seulement de s’adapter, mais de savoir rester adaptable. L’adaptation renvoie à une réponse ciblée à une situation donnée : on ajuste nos comportements, nos infrastructures, nos bâtiments, pour correspondre à un nouvel état du monde. Cette logique fonctionne si l’environnement reste relativement stable après le changement. Mais dans un contexte marqué par la polycrise — où s’enchevêtrent aléas climatiques, instabilités économiques, tensions géopolitiques, pandémies ou crises sociales — l’adaptation se révèle rapidement obsolète. On ne peut s’ajuster durablement à une situation qui se transforme aussitôt.
Transposé aux sociétés humaines, ce raisonnement conduit à valoriser l’adaptabilité comme une compétence collective. Cela suppose de cultiver des marges de manœuvre plutôt que d’éliminer tout « superflu », de privilégier la pluralité des approches plutôt que l’uniformisation, et d’accepter l’incertitude comme donnée de départ plutôt que comme anomalie. L’adaptabilité est la construction d’une robustesse partagée, qui nous permet d’affronter un avenir incertain sans prétendre le contrôler totalement. En définitive, là où l’adaptation vise la maîtrise ponctuelle, l’adaptabilité engage un art du pilotage permanent. Elle appelle à revoir nos priorités et à renoncer à l’obsession de la performance immédiate. Il s’agit d’investir dans des capacités d’apprentissage, de coopération et de flexibilité, qui constituent le socle de la robustesse. Dans un monde en perpétuel déséquilibre, la véritable soutenabilité réside moins dans l’adaptation que dans l’adaptabilité.
Ainsi, dans la fabrique de la ville comme dans le bâtiment, viser l’adaptabilité ne revient pas à répondre de manière optimisée à un scénario unique, mais à intégrer des principes tels que la flexibilité et l’évolutivité des usages, pour s’ajuster aux besoins et conditions changeantes ; la redondance, afin de mieux encaisser les pénuries et les fluctuations énergétiques ; et enfin, la résilience face aux extrêmes climatiques, en misant sur une diversité de solutions – inertie thermique, végétalisation, protections solaires, entre autres.
Bibliographie : Le chercheur français Olivier Hamant consacre plusieurs ouvrages sur le thème de la robustesse du vivant, en opposition à la recherche de performance de nos sociétés. Olivier Hamant, Antidote au culte de la performance : La robustesse du vivant, Éditions Gallimard, août 2023, 64 p.
Contribution
Issue du livre "Les 101 Mots de l'Adaptation, à l'usage de tous", sous la direction de l'Atelier Franck Boutté
Titre
Adaptation ? Adaptabilité !
Auteur
Bertrand Bethune, chef de projets à l'Atelier Franck Boutté
Éditeur
Archibooks
Date de publication
2025
Pages
176 pages