Adapto-atténuatif (ou atténuo-adaptatif)
Récit
En 25 ans de prise en compte des questions environnementales et de soutenabilité dans la fabrique de la ville, on a beaucoup raisonné en séquences : énergie d’abord, carbone ensuite, et désormais adaptation. 2022 a marqué un basculement. Son été meurtrier a tout accéléré - canicules à répétition, sécheresses, stress hydrique, forêts à bout de souffle, mégafeux, effondrement des rendements agricoles, explosion des coûts de l’énergie... Il y a un avant, et un après.
L’adaptation a enfin pris sa place dans les projets, les récits, les politiques. Elle est devenue tangible, urgente, matérielle.
Mais attention à ne pas remplacer un dogme par un autre : l’adaptation, aussi nécessaire qu’elle soit, ne doit jamais prendre le pas sur l’atténuation. Si nous ne faisons pas tout pour diminuer notre impact, les meilleures stratégies d’adaptation seront vaines. Car on ne s’adapte pas à un monde à +7 degrés. Ou alors, pas tous. Et pas sans conséquences dramatiques.
Le glissement est subtil mais bien réel. Politiquement, l’adaptation est plus simple à porter : elle répond à des vulnérabilités locales, visibles, immédiates. Planter un arbre, déminéraliser une rue, restaurer du confort… c’est concret, mesurable, populaire. Et surtout : compatible avec l’échelle du mandat électoral. L’atténuation, elle, agit dans le temps long, au bénéfice d’autres territoires, d’autres générations. Décarboner, c’est investir dans un avenir que l’on ne contrôle pas totalement. Dans une époque fracturée, cette promesse lointaine peine à mobiliser.
C’est pourtant tout l’enjeu des stratégies adapto-atténuatives : articuler adaptation immédiate et réduction structurelle des impacts. Penser le projet comme une réponse double : absorber les chocs et réduire les causes.
La ville du futur est déjà là : 80 % du bâti de 2050 existe déjà, et presque aucun de ces bâtiments n’est adapté aux climats qui viennent. Le rythme du renouvellement urbain est trop lent, la croissance démographique trop faible, les ressources trop rares. Le neuf n’est plus la norme, il est devenu l’exception.
Réhabiliter devient alors la règle — non par défaut, mais par cohérence. Les bâtiments anciens ont déjà amorti leur dette carbone. Le ZAN renforce cette logique. Réutiliser l’existant est une stratégie carbone, spatiale, territoriale. Encore faut-il bien le faire. Réhabiliter, oui, mais sans recarboner à outrance. Sans effacer les qualités climatiques du bâti ancien. Sans sacrifier l’équilibre entre consommation (flux), matière (stock) et confort (usage).
C’est là que réside le cœur des stratégies adapto-atténuatives. Pas dans l’opposition, mais dans l’articulation. Pas dans le choix entre prévenir et encaisser, mais dans la capacité à faire les deux à la fois.
L’adaptation, bien pensée, est un projet politique.
Elle engage les élus, les habitants, les concepteurs.
Elle est sociale, territoriale, démocratique.
Mais elle ne tiendra que si elle s’accompagne d’un effort collectif pour réduire durablement nos impacts.
Adapter pour tenir. Atténuer pour durer.
C’est la seule trajectoire soutenable.
Contribution
Issue du livre "Les 101 Mots de l'Adaptation, à l'usage de tous", sous la direction de l'Atelier Franck Boutté
Titre
Adapto-atténuatif (ou atténuo-adaptatif)
Auteurs
Franck Boutté, président, et Elise Lenoble, chargée de communication à l'Atelier Franck Boutté
Éditeur
Archibooks
Date de publication
2025
Pages
176 pages
Illustration
Sébastien Hascoët